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Au beau milieu d’une situation, vous « freezez » ? Abattu, découragé ou paralysé, vous laissez les autres décider pour vous ? Ça n’arrivera plus…

Cyrano de Bergerac, vous connaissez ? Ce héros de Rostand au panache aussi considérable que son nez, que dis-je, « son cap, son pic, sa péninsule… ». Ce cadet de Gascogne capable de ferrailler avec cent assaillants en récitant des tirades en alexandrins. Cet homme aussi audacieux, sur le champ de bataille… qu’incapable d’exprimer son amour à une femme ! Pas n’importe laquelle, soit. Mais quand même…

Rappelez-vous. Acte II. Alors qu’il se pâme d’amour pour sa cousine Roxane, elle lui décrit l’homme qui fait vibrer son cœur. Cyrano croit se reconnaître jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il s’agit d’un autre. Et là… rien. Le néant.  Carrément pétrifié, Cyrano le flamboyant, à l’idée de déclarer sa flamme jusque-là inavouée ! Il s’éteint d’un coup, s’empêchant même d’exprimer ses sentiments.

Pire : il fait la promesse à Roxanne de protéger son rival. Partant de là, l’espoir de la conquérir un jour s’évanouit à jamais… Après, bien sûr, il se trouvera de nasales excuses : « Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance ; Pourrait bien me laisser cette protubérance !* ». Mais nul ne sera dupe.

Dire qu’à une réplique près, son existence tout entière aurait été transformée. Comment s’y est-il pris pour se couper à ce point l’herbe sous le pied ?

 

Cyrano, battu par lui-même

Devant Roxane, Cyrano se sent en danger. Il risque d’être  jugé ou rejeté. Alors, il se tait. C’est très humain. Quand nous nous sentons en danger, nous enclenchons instinctivement une des réactions de stress – censée assurer notre survie – parmi la gamme des programmes disponibles. Qui ne s’est jamais retrouvé découragé au moment d’exprimer une demande, que ce soit une déclaration d’amour, une augmentation à son patron ou dans lors d’un entretien de recrutement ? Dans de tels moments, on a tendance à capituler, à se dire qu’on n’est pas à la hauteur. On n’a plus envie de rien. Parfois, on ne demande même pas…

C’est tout à fait normal. Sans le savoir, nous venons de déclencher notre programme automatique d’« Inhibition » (Freeze) : rester immobile pour survivre. Dans la nature, ne pas bouger permet de se fondre dans le paysage et de ne pas être repéré par un prédateur. Nos ancêtres des cavernes l’utilisaient déjà quand ils croisaient des tigres à dents de sabre. Ce mécanisme est gravé au plus profond de nous. Prêt à rejaillir au besoin. Comme chez Cyrano, ce champion de la verve, cet as de l’esbroufe, qui se résigne sans même s’être battu…

 

Faire le mort pour vivre encore

L’objectif du programme « Freeze » consiste à nous rendre le plus inerte possible à travers une réaction physiologique de stress. Notre organisme libère de la sérotonine, un neurotransmetteur connu pour son rôle inhibiteur. Alors, on ne bouge plus. On est pétrifié, muet, passif, sans initiative. On se sent vidé de toute énergie, lessivé. Vivement une petite sieste.

L’immobilité n’est que la première partie du programme. Parfois, elle ne suffit pas. Alors, comme un animal pour leurrer son prédateur, on « fait le mort ». On se sent inférieur, avec une vision pessimiste de soi et des choses (imaginez-vous un instant comme une souris dans la gueule d’un chat…). Comme Cyrano. Qu’importe que sa bien-aimée s’amourache d’un bellâtre idiot : il capitule d’emblée, se trouve moche, pas attirant…

Le plus difficile, peut-être, dans ce programme, c’est qu’on a tendance à se soumettre à la volonté de l’autre (ou à son bon vouloir, dixit la souris). Tout comme Cyrano qui devient promoteur de son rival.

 

Reprendre le contrôle de sa vie

Cyrano ne s’est livré pleinement qu’à l’heure de sa mort, quand tout espoir était perdu d’être un jour heureux en amour. Ce drame fait la beauté de la tragédie. Mais avons-nous vraiment envie de ce type de drames dans la vie réelle ?

Combien de fois se reproche-t-on de ne être intervenu, de ne pas avoir dit ce qu’on pensait vraiment, de ne pas avoir fait ce qui nous semblait adéquat ? Combien de fois s’en veut-on d’avoir dit « oui » alors qu’on pensait « non » ? Combien de fois en veut-on à celui qui nous a imposé ses vues… À la longue, il y a de quoi se sentir déprimé.

Que faire pour que ça n’arrive plus ?

 


Cinq trucs pour contrer l’effet de la paralysie momentanée

Avant : Prévenir

Vous sentez monter cette vague de découragement ? Dites-le ! Prévenez que vous êtes en train de passer en mode « Freeze ». Que vous risquez d’être absent de la conversation et de ne pas avoir d’avis, ce qui ne vous empêche pas d’écouter.

Pendant : Ne rien signer !

Ne laissez pas l’autre diriger la situation. Evitez de vous soumettre : réservez-vous le droit de revenir sur cette conversation ultérieurement, lorsque vous serez sorti de cet état.

Pendant : Ajuster ses initiatives

Prenez des initiatives, même si cela vous semble au-dessus de vos forces. Essayez de trouver des projets à votre portée, que vous réaliserez pas à pas, et demandez à vos proches de vous soutenir.

Après : Arrêter de culpabiliser

Inutile de culpabiliser si l’on ressent du découragement ou qu’on laisse l’initiative. Ce n’est ni volontaire ni contrôlable : ne rien désirer, déprimer, c’est notre façon animale de s’immobiliser ! Cela fait partie du programme de l’inhibition, destiné à assurer notre survie lorsqu’on se sent à la merci des événements. L’accepter est une condition nécessaire pour le gérer.

Après : Se pardonner et rectifier

Pardonnez-vous de n’avoir pas agi, d’avoir été pétrifié, de ne pas avoir été à la hauteur, etc. Vous n’y pouvez rien. Voyez ce que vous pouvez faire pour rectifier le tir, rétablir la situation d’une manière qui vous convint mieux. Puis faites un premier pas dans cette direction.


*Rostand E. Cyrano de Bergerac, Pocket, 2007

Commentaires

Que vous inspire cet article ? Comment s’exprime votre programme d’inhibition ? Comment avez-vous appliqué mes 5 trucs et quels en ont été les résultats ?

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